"Hé, regarde ce que je peux faire !" Babe n'a même pas besoin de regarder Mads pour savoir que c'est con. Probablement lui qui frappe un poteau avec une batte de baseball dans l'espoir de le faire tomber ou une autre merde. Non, elle est trop occupée à fixer Neil, avec sa clope au bec et ses silences brûlants, et Antonio, rire trop fort et cheveux décolorés, qui menacent un gamin de son âge. Elle, elle est assise sur le capot d'une voiture, main dans les poches, sourire au coin, aux côtés de Dario, gentillesse infinie et amour du prochain, et de Camelia, féministe révoltée avec vêtements de couleur. Cette dernière ne regarde pas le spectacle, occupée sur son portable, tandis que Dario ne parle pas. Babe n'a pas envie d'aller voir le gosse, il est sans doute dans le même niveau qu'elle, peut-être même dans sa classe, mais elle a envie que ça aille mal pour lui. C'est qu'elle a le sang chaud et l'esprit froid. On sait jamais. Antonio frappe, avec son air de jeune con habituel. Une fois, puis deux. Il n'avait qu'a pas être sur leur chemin selon Neil. Il n'avait qu'a pas les traiter de sales pauvres. Le pauvre a déjà le nez en sang mais Babe s'en fout. Elle méprise ce genre de personne. Dans la rue vide, on entend que les cris du lycéens et ceux de Babe qui applaudit.
Mais, et elle pense souvent à ça, peut-être qu'avec une autre éducation, elle serait pas comme ça, peut-être qu'elle le défendrait, peut-être qu'elle traînerait pas avec eux. Mais la fuite (fugue), le manque d'abri, le manque d'amour, ça compte et elle imagine que maintenant elle est baisée. Elle restera une âme nulle à chier toute sa vie et ira sagement en enfer. Le gamin du lycée sort un peu les griffes, et ça se transforme en baston mais deux adultes qui font ça toute leur vie contre un jeune de quinze piges, ça fait pas le poids. Il est à présent à terre, plein d'ecchymoses et il regrettera sans doute pendant longtemps ses paroles de bourge. Babe rit et tourne ses yeux vers Mads qui rit aussi. Et alors du coin de l'oeil, elle l'aperçoit. Le teint noir, sombre, les cernes présentes (sans doute). Le seul homme marchant dans la rue se montre à elle. Il avance en leur direction et Babe a soudain mal au ventre. Elle ne sait pas qui il est, ce qu'il veut, mais il s'approche et elle sait que c'est pas pour rien.