les machines à sous qui défilent, qui s’allongent. noa, elle n’voit plus que ça. les chiffres et les symboles qui roulent devant les mirettes, qui clignotent. l’excitation qui parcourt les veines quand les doigts se referment autour de la manette pour la faire descendre, pour relancer la machine. l’argent qui s’émiette déjà entre ses doigts, les crédits qui disparaissent mais qui augmentent pas vraiment. elle est censée gagner noa, et elle attend que ça…
mais ça vient pas.
et noa, ça l’agace. noa, elle frappe un peu la machine. elle a une bière dans la main, et sans doute une p’tite douzaine dans le bide. noa, elle a la vue un peu troublée, un peu floue sur les côtés, et l’cerveau qui a du mal à rester ancré. les yeux, ils oublient parfois de rester à la bonne place et ils s’baladent un peu dans la caboche trop vide.
- mademoiselle…
un homme musclé en costume trois pièces. elle se retourne même pas : elle s’en fiche de lui. encore un p’tit coup sur la machine, quelques injures qui persiflent.
- mademoiselle !
- mais quoi ?!
elle se retourne, le toise. y’a ses prunelles océanes qui envoient des éclairs. c’est qu’un con, ce mec. il peut lire son opinion et bien d’autres choses dans les yeux de noa… et apparemment, ça lui plaît pas.
- je me vois dans l’obligation de vous demander de quitter le casino.
- j’pars si j’veux.
elle lance, la tête haute. sauf qu’il l’attrape (elle comprend pas trop comment, le cerveau suit pas trop) et en quelques minutes, elle est dehors.
- eh !
pas de réponse. le mec s’est déjà barré. le ciel il clignote avec toutes les étoiles qui dansent.
- quel connard !
elle beugle encore. et puis elle apporte le goulot d’la bouteille à ses lèvres… et elle s’rend compte qu’y’a plus rien. elle jette la bouteille au loin, farfouille quelques secondes dans sa veste pour trouver sa flasque qu’elle porte à ses lèvres. alcoolisme quand tu nous tiens…
elle voit un p’tit magasin encore ouvert et elle s’y rend pour acheter diverses bouteilles, autant qu’elle peut (ça fait deux). et elle marche, un moment elle sait pas combien de temps… une heure peut-être ? en tout cas, elle arrive sur la plage. elle retire ses vieilles baskets (sans oublier les bouteilles, on les lâche pas ses amis !), ses chaussettes, et elle soupire de plaisir en sentant le sable encore tiédis par le soleil contre la plante de ses pieds.
et elle voit un mec au loin, le cul vissé dans l’sable. alors elle s’approche, curieuse, et elle s’assis à côté.
- t’en veux ?
elle demande en lui tendant une bouteille. c’est du rhum, du gin ou de la vodka… elle sait pas trop. en tout cas, ça a pas d’couleur. on dirait de l’eau. un peu comme celle de la mer, juste en face d’eux.
- qu’est-ce que tu faisais là tout seul ?
elle demande encore noa, la curiosité insatiable.
- ça m’apaise, la mer. de la regarder, de l’entendre… quand elle s’éclate sur les vagues. tu penses qu’elle a mal, la mer, quand elle s’abat sur le sable ? quand elle se fracasse contre les cailloux ?
elle prend la deuxième bouteille, porte le goulot à ses lèvres. elle boit une grande lampée et puis elle fait une grimace, parce que ça chatouille son œsophage… et ça le brûle, surtout. c’est bon et c’est pas bon en même temps. noa, elle a l’estomac qui s’révulse un peu aussi… parce qu’elle boit souvent trop. parce qu’elle a p’têtre peur au fond noa d’mourir d’une cirrhose ou d’une connerie comme ça…